Guéri pour sauver les autres : l'histoire d'un conducteur ukrainien sur le front
Le parcours d'un chauffeur militaire n'est pas une route ordinaire, mais une ligne fine entre la vie et la mort. Le GPS est inutile là où chaque mètre est un défi. Sous les roues, l'incertitude, au-dessus, le bourdonnement des drones ennemis, et à l'horizon, le rugissement de l'artillerie. Mais il continue d'avancer à toute vitesse. Car il sait qu'à l'avant, ses frères d'armes comptent sur lui pour les ramener chez eux.
Quand chaque mission pourrait être la dernière, il est facile de s'habituer au risque. Et alors, l'excès de confiance peut se transformer en bravade dangereuse. Mais vous ne trouverez aucune trace de cela chez Serhiy, chauffeur de la 2e Légion internationale pour la défense de l'Ukraine. Quand il parle de son travail, il sourit humblement :
« Je conduis nos garçons jusqu'à la ligne zéro. »
Avant de prendre le volant d'un véhicule militaire, Serhiy, 54 ans, a passé sa vie à travailler comme soudeur. Non seulement ce métier est physiquement exigeant, mais il représente également une menace constante pour la santé. Chaque jour, il passait des heures à travailler dans des espaces étouffants, entouré d'étincelles, de fumée et de vapeurs métalliques. La chaleur, le bruit et la fatigue oculaire et dorsale ont laissé des traces au fil des ans :
« Après toutes ces années, j'ai développé quelques problèmes de santé. Ma femme m'a envoyé à l'hôpital Amosov de Kiev. C'est là que la guerre m'a rattrapé. Un matin, l'infirmière en chef est entrée en courant dans la chambre et a dit : « Cosaque, faites vos valises, les Russes ont attaqué l'aéroport. »
Après avoir subi quatre opérations, Serhiy aurait pu rester chez lui pour se remettre. Mais il n'a pas hésité. Dès qu'il a pu se tenir debout, il a troqué son masque de soudeur contre un casque et son uniforme de travail contre une tenue de camouflage militaire :
« J'ai commencé à me renseigner : qui fait quoi et où ? J'ai trouvé notre légion bien-aimée sur Internet. Et maintenant, je suis ici. Je suis mieux ici qu'à la maison. Mon gendre a servi pendant un an et demi, et mon neveu se remet de sa deuxième blessure. C'est ici que je suis chez moi. »
Pour un chauffeur militaire, le temps ne se mesure pas en minutes ou en secondes. C'est la différence entre « juste à temps » et « trop tard ». Pouvez-vous amener l'équipe à destination ? Pouvez-vous les sortir de là, les vivants, les blessés, parfois à peine conscients, du bord de la mort ? Pouvez-vous éviter les tirs vous-même ? Vous devez aller aussi vite que la route, le véhicule et le bon sens vous le permettent :
« Comparés à nos Cosaques, les pilotes du Paris-Dakar ont l'air de marcher. Beaucoup de dérapages, des vitesses aussi élevées que l'âme le désire. Parfois, nous sortons pendant la journée, c'est un peu plus amusant que la nuit. Je m'assois, je récite le « Notre Père » et j'appuie sur l'accélérateur. »
Mais ici, la vitesse ne se résume pas à appuyer sur l'accélérateur. Il s'agit de réfléchir et de prendre des décisions rapidement. Un pilote doit sentir le danger devant lui, anticiper une mine sous ses roues, sentir le ciel s'agiter avec les drones. Il n'y a pas de place pour l'hésitation. Car derrière vous, il y a la vie de quelqu'un :
« Je pense que nous sommes alimentés par l'adrénaline et le sens des responsabilités. Parce que vous n'êtes pas seul, il y a des gars derrière vous. Parfois, la porte arrière s'ouvre et nous perdons des affaires. Mais je n'ai jamais perdu un seul homme. »
Il n'y a pas de médaille immédiate pour un travail bien fait. Mais il existe une autre forme de reconnaissance. Entre le départ et le retour, c'est l'enfer, et un chauffeur capable d'extraire habilement les troupes de la ligne de front n'a pas de prix. Ceux qui ont regardé la mort en face lui rendent hommage avec un respect silencieux et profond :
« Quand je les conduis, tout le monde est calme et soudé. J'espère qu'ils prient pour moi, pour que je ne freine pas. Dieu nous en préserve ! Je ne freine qu'en cas d'extrême nécessité. Seulement s'il y a un cratère assez grand pour engloutir le véhicule. Sinon, on passe à toute vitesse. »
Serhiy parle plusieurs langues, ce qui, dans la Légion, est plus qu'une compétence, c'est une nécessité quotidienne. Il établit facilement le contact avec ses frères d'armes, comprend leurs besoins et sait donner des ordres clairs et coordonner les actions quand cela compte. Dans une guerre où chaque détail compte, ces connaissances sont indispensables :
« J'ai travaillé à l'étranger toute ma vie, j'ai voyagé dans presque toute l'Europe et en Amérique latine. Je traduis un peu du polonais, je parle bien l'espagnol. J'ai également travaillé dans des pays anglophones, je me débrouille donc en anglais, avec quelques gestes. »
Pour les étrangers de la Légion, Serhiy est l'un des leurs, non seulement parce qu'il écoute, mais aussi parce qu'il comprend. Et cette compréhension ne se limite pas à la langue, elle repose sur la confiance. La confiance entre des personnes de différents pays, unies dans la lutte pour la liberté. La Légion accueille tous ceux qui défendent sincèrement l'Ukraine, peu importe leur lieu de naissance ou leur langue. Car ici, ce qui compte, ce n'est pas le passeport, mais la motivation, le dévouement et la volonté de se battre côte à côte :
« Je ne sais qu'une chose : tous ceux qui sont à mes côtés sont les meilleurs. »
Texte : Dmytro Tolkachov